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jeudi 28 octobre 2021

Jules Supervielle

 

Supervielle, la profondeur    (1884-1960)   


   Bien sûr, quand l’idée vient de relire un livre, beaucoup de gens pensent à un roman mais pour ceux qui aiment la poésie, le réflexe de relire un recueil de poèmes est une chose banale, un peu comme celui de réécouter un disque d’un chanteur qu’on apprécie.    L’exercice est d’autant plus intéressant que la relecture de textes poétiques permet de découvrir de nouvelles choses, de trouver de nouvelles interprétations.

    Intéressons-nous aujourd’hui à un poète que je considère comme un des meilleurs du 20e siècle, Jules Supervielle.    

Sa vie  

   Il est né à Montevideo en 1884 d’un père béarnais et d’une mère basque. La même année, ses parents rentrent en France et meurent brutalement.   En 1886, un oncle et sa femme ramènent le petit Jules en Uruguay et l’élèvent comme leur propre fils. Ils s’installent en 1894 à Paris où Jules poursuit ses études.  Il écrit ses premiers poèmes à quatorze ans.  En 1907, il épouse Pilar Saavedra. Le couple aura six enfants.   

   Régulièrement Supervielle retourne en Uruguay.  À partir de 1922, année de la publication de Débarcadères, les livres se succèdent ; il s’agit de recueils de poésie, de romans, de nouvelles, de contes et de pièces de théâtre.  

Jules Supervielle est mort à Paris en 1960.  

 Sa poésie    

La poésie de Supervielle se caractérise par sa profondeur ; elle aborde les questions métaphysiques, l’inquiétude de l’Homme devant un monde qui reste mystérieux, en y mêlant un humour et une volonté de fraterniser avec celui-ci, tout cela exprimé avec des mots simples. C'est ce qui explique que ses poèmes plaisent aussi bien à un enfant de dix ans qu’à un lecteur adulte exigeant.    

   Je pense que les commentaires savants sur la poésie ont peu d’intérêt. S’il est possible d’analyser le style, d’étudier le choix des mots, de dire qu’un texte plaît ou non, il est présomptueux de prétendre expliquer ce que le poète a voulu dire. Il me semble plus raisonnable d’exprimer ce qu’on ressent à la lecture d’un poème. 

     Ainsi, en lisant Gravitations, recueil paru en 1925, on note les différents centres d’intérêt de Supervielle. 

   Le livre débute par des textes parlant des gens (le portrait, une enfant, l’âme et l’enfant) puis il est question de la lune, des astres, des étoiles, de la terre (mot qui revient de nombreuses fois). L’univers est sans doute le thème préféré du poète ; mais il ne néglige pas le monde vivant : le chêne, le peuplier, la biche, le cheval …les êtres humains.    Supervielle imagine le futur :  « Un jour la Terre ne sera /  Qu’un aveugle espace qui tourne... »  Et il rappelle sans cesse son appartenance au cosmos : « Je suis un homme pris / Dans les rêts étoilés. » écrit-il dans Vivre.      Supervielle n’est pas seulement un poète. Il a exploré avec succès toutes les formes de la littérature       

jeudi 21 octobre 2021

Rimbaud, le Bateau ivre

 


Le Bateau ivre (1871)

       Quand un amateur de poésie lit un poème, il lui arrive de penser :
― Voilà des vers que j’aurais aimé écrire !
C’est ce que je me suis dit quand j’ai découvert le Bateau ivre :

« Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. »

   Arthur Rimbaud a écrit le Bateau ivre en 1871 ; il avait 17 ans. Tant de maturité à cet âge est surprenant. D’autres au même âge cherchent encore leur voie, ils essaient d’imiter maladroitement les grands maîtres. Lui dépassait déjà bon nombre de poètes renommés.


   Il avait 17 ans et il n’avait jamais vu la mer mais il la devinait, il la réinventait. 
Ce long poème composé de 25 quatrains est un bouillonnement d’images, de métaphores, de trouvailles étonnantes. C’est le bateau qui s’exprime : après avoir quitté les fleuves tranquilles, il affronte la mer en furie, les tempêtes, le « tohu-bohu ». L’imagination débordante du poète voit des « flots roulant au loin leurs frissons de volets », un « ciel rougeoyant comme un mur », « des archipels sidéraux ».
Mais le « je » utilisé du début à la fin du poème ne désigne pas seulement le bateau ; à travers celui-ci, c’est le jeune homme qui parle :

« J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! »


  En 1871, Rimbaud est un adolescent rebelle. Il lui arrive de faire l’école buissonnière. Pendant la guerre de 1870 il fait ses premières fugues. Il écrit " Mort à Dieu" sur les murs de sa ville (Charleville), il fréquente les cabarets et s'enivre.
Le bateau perdu qu’il décrit, c’est aussi son histoire, celle d’un poète qui se révolte contre une société endormie.
Ne voulait-il pas «changer la vie » ?


jeudi 14 octobre 2021

Georges Brassens et la poésie

 


Georges Brassens (1921-1981)    

   Les années passent et ses chansons résistent au temps...  

Le 30 octobre 1981 au matin, on apprenait que Georges Brassens était mort dans la nuit. Il venait d'avoir soixante ans et tous ceux qui l'appréciaient ressentirent ce jour-là une profonde tristesse.    Pour de nombreux chanteurs, il reste un modèle. Si l'on excepte Maxime Le Forestier, personne n'a su interpréter ses chansons aussi bien que lui. Avec Brel et Leonard Cohen, il est un des grands auteurs - compositeurs - interprètes du 20e siècle.    

    Il y a quelques années, après être allé à Sète, sur sa tombe modeste qui se mêle aux tombes anonymes du cimetière du Py tourné vers l'étang de Thau, je me suis rendu à l'espace Brassens. Dans la salle où l'on projetait un de ses concerts de Bobino, il y avait de nombreux jeunes de moins de vingt ans qui chantaient avec enthousiasme ses succès. Eux qui ne l'avaient pas connu de son vivant, savaient par cœur toutes ses chansons !  J'ai eu ce jour-là la confirmation que Brassens n'était plus le chanteur d'une génération ; il était devenu un artiste éternel. 

     Il est difficile en quelques lignes de dégager la totalité de la personnalité de Brassens, la force de son œuvre.  Son univers est intemporel. Brassens faisait souvent référence à Villon et au Moyen-Âge mais il était aussi en avance sur son temps, en évoquant des thèmes dont on parlait peu dans les années 1950 et 1960. Certaines chansons jugées scandaleuses à cette époque étaient interdites à la radio.    

  Brassens estimait ne pas être un poète alors que de nombreuses trouvailles poétiques traversent ses textes et que ses qualités de versificateur sont indéniables, surtout dans les vers comportant peu de syllabes (La marguerite, la cane de Jeanne, par exemple).  Peut-être vaut-il mieux le ranger dans la catégorie des troubadours ?   

  Il fut un grand serviteur de la poésie, disposant d'un don exceptionnel pour déposer sur ses textes mais aussi sur ceux d'autres poètes les notes qui magnifiaient leur œuvre ( Victor Hugo, Paul Fort, Aragon, Francis Jammes, Lamartine...) ou pour nous faire découvrir des inconnus comme Antoine Pol, l'auteur du très beau texte Les Passantes.  

  N'en déplaise aux puristes qui estiment qu'il n'est pas utile de mettre de la musique sur de beaux vers, Brassens a contribué en agissant ainsi à rendre la poésie plus accessible.    

   Certains ont jugé que sa musique était pauvre. Ils se sont trompés : Brassens était aussi un excellent compositeur, un grand maître dans l'art des accords et il avait un formidable sens du rythme. Tous ceux qui ont tenté de jouer ses mélodies à la guitare peuvent témoigner de la dextérité que cela nécessite.    

   Mais la personnalité de Georges Brassens apparaît essentiellement dans les thèmes qu'il a abordés. Il n'a jamais été un chanteur dit " engagé" mais il a défendu de grandes causes en dénonçant la peine de mort, les guerres, le conformisme et le fanatisme. Il a célébré l'amitié, l'amour, les gens simples (l'Auvergnat, le fossoyeur, Bonhomme...), la liberté, la nature, les animaux (et en particulier les chats).   

  Réécouter  ses chansons remplies d'humanité et de tolérance procure un plaisir sans cesse renouvelé.  Les paroles de Brassens donnent de l'humanité une image plus douce que celle qu'offrent ces  gens d'aujourd'hui toujours prompts à jeter l'opprobre sur les étrangers et les gens différents.  

jeudi 7 octobre 2021

Les miséreux

 

                                 PHOTO TERIMAKASIH0 - pixabay.com

                        

Toi qui rêvais de paix et d'heureux lendemains

et qui as croisé la guerre  sur ton chemin,

Toi l'enfant du soleil que torture la faim

et  qui ne demandes rien qu'un morceau de pain

Vous qui vivez en misérables

dans un monde fou,  implacable,

Quand la vie sera-t-elle  douce ?

Douce pour tous ?

                            *

Toi le déraciné qui cherches dans le soir

si loin de ton pays  quelques signes d'espoir,

Toi, dans la favela, qui joues de  la musique

 pour oublier tes peurs,  ta destinée tragique

                                  *

Toi la femme usée par trop d'années de labeur

toi qui as froid aux mains, toi qui as froid au cœur,

toi qui as tant donné et que l'on abandonne

aux longues nuits d'hiver sans feu et sans personne


         Vous qui vivez en misérables

         dans un monde fou,  implacable,

         Quand la vie sera-t-elle  douce ?

         Douce pour tous ?

Septembre - Octobre 2021

 

le puits