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jeudi 25 février 2021

Bestiaire n° 5 : Le lézard

 

    Comment parler du lézard, petit animal somme toute banal qui laisse indifférent beaucoup de gens, contrairement au crocodile que les hommes craignent ou au varan à la taille monstrueuse ?

 Francis Ponge écrivait qu'il ne faut pas  décrire la réalité, ce qui est la tâche du scientifique, mais la faire apparaître, ce qui est l’objectif du poète. Écoutons ses conseils.

   C'était un  après-midi de juin.  Assis sur la terrasse d’un bungalow offrant une vue superbe sur la montagne, je rêvassais au soleil (je lézardais aurait pu convenir mais on aurait pu me reprocher cette facilité) lorsque la petite bête surgit d’un chemin caillouteux et  entreprit de grimper sur la terrasse.

   Pour un homme du Nord, la rencontre d’un lézard n’est pas un événement anodin.  Ce petit reptile lui inspire la sympathie car il est le signe de vacances ensoleillées et chaudes.

   Mais il est plus que cela : dès que vous l’apercevez, sa manière de progresser sur le sol, les écailles qui recouvrent son corps, vous délivrent un message. Elles vous rappellent ses ancêtres qui peuplaient la planète au temps lointain où rien ne garantissait que l’espèce humaine verrait le jour des millions d’années plus tard. 

   Je regardais donc le lézard, animal discret et prudent, avancer sur une planche. Sa progression était chaotique,  il faisait quelques pas avant de s’immobiliser — réfléchissait-il aux éventuels dangers qui le menaçaient avant de décider d’aller plus loin ? — puis reprenait son cheminement hésitant. 

   Et soudain il disparut pour rejoindre un amas de vieilles pierres et de feuilles séchées qui abritait maintes bestioles dont il ferait son repas, m’abandonnant à la rêverie qu’il contribuait à entretenir.

2019

 

 


jeudi 18 février 2021

Bestiaire n° 4 : le moineau


 

   Le moineau  est un animal familier. 

Rien chez lui n’attire l’attention : la femelle a un plumage terne, brun et gris, les couleurs du mâle sont plus vives et son corps présente des taches blanches et noires. 

Le moineau est un petit être ordinaire, on entend à peine son pépiement. 

   On pourrait penser qu’il est davantage à l’aise dans la cour des maisons modestes qu’on voit près des usines plutôt que dans les jardins sophistiqués des résidences de riches propriétaires.

 Ce jour-là, assis sur la terrasse d'un bungalow, je regardais le paysage.

 Des oiseaux allaient et venaient, se posaient dans les herbes hautes puis repartaient plus loin. 

Pour les voir de plus près, je lançai quelques morceaux de pain dur et quelques petits fruits. 

Aussitôt, ils vinrent se poser à trois ou quatre mètres de moi. La plupart d’entre eux étaient des moineaux ; quelques oiseaux plus gros se mêlèrent au groupe.

  J’observais, amusé, la stratégie des uns et des autres.

Un moineau isolé se fit voler son bout de pain par un merle qui disparut aussitôt, le butin dans le bec. 

D'autres moineaux plus malins s’emparaient brusquement du morceau et repartaient pour le manger à l’abri des regards, cachés sous une haie.

Chacun montrait son caractère et son intelligence.

On ne peut se résigner à voir disparaître  de nos jardins et des parcs le modeste moineau.

2020


jeudi 11 février 2021

Bestiaire n° 3 : le pigeon

 


 Lors de mes voyages, la présence du pigeon dans la plupart des grandes villes m'a frappé.   
Sur la place Saint-Marc à Venise, ils étaient des centaines à marcher au milieu des touristes. 
À Rome, sur la place Saint-Pierre, un pigeon solitaire et triste était là, immobile, et son plumage grisâtre s’accordait avec la couleur du pavé sur lequel il s’était posé. 
À Paris, l'un d'eux s'était installé sur la tête d'une statue. Il m'a inspiré le texte ci-dessous. 

   Le pigeon  vit au milieu des hommes dans l'indifférence. Il ne craint pas les passants qui le frôlent. En réalité, toute son attention se porte sur le sol : il cherche patiemment la miette de pain, le morceau de gâteau abandonné par négligence ou maladresse par le promeneur. 
Le pigeon aide l'éboueur dans sa tâche.

                                                *

Le pigeon effronté

J'aime l'insolence du pigeon parisien qui, après avoir survolé la statue qui orne le parc, décide de se poser sur la tête de l'apollon puis, doucement, abandonne sa fiente.

Peu lui importe le rang ou la beauté du personnage ainsi offensé ! Qu'il s'agisse d'un dieu, d'un empereur ou d'un grand guerrier, le pigeon s'en moque. Il ne craint pas la vindicte populaire. 

Cette trace abandonnée sur la tête ou le torse de l'éphèbe ne serait-elle pas sa façon personnelle de rappeler aux hommes que ses ancêtres vivaient tranquillement dans de belles forêts où ils trouvaient abri et nourriture, avant d'y être délogés au nom d'un prétendu progrès ?
                                                     
   
2016

jeudi 4 février 2021

Bestiaire n° 2 : le héron

 



   Alors que l'œil du profane a beaucoup de mal à mettre un nom sur le passereau qu'il aperçoit dans son jardin, il reconnaît au premier regard le héron qui déambule au bord des étangs, des rivières, et s'aventure parfois même aux abords des villes.

Le héron est un oiseau à la fois gracieux et gracile.

Il doit sa grâce à la longueur du cou et des pattes dont la finesse  donne une impression (fausse) de fragilité.

Le héron aime la lenteur et la patience est sa principale qualité.

Il lui arrive souvent de rester immobile pendant des heures, tenant sur une patte, le cou replié. Dans cette performance prolongée, il est aussi parfait que les statues humaines qui épatent le touriste à Vérone ou à Florence. 

Tel n'est pas cependant l'objectif du héron. Chez lui, cette posture est avant tout une stratégie de chasse destinée à tromper le poisson ou la grenouille qui s'approche de lui.

L'attitude de vieux sage en pleine méditation qu'il aime prendre  est une arme redoutable.

2020



le puits